Roomba passe à l’orient : comment le robot aspirateur américain s’est fait aspirer par les chinois… et ce que cela change chez vous

Voici une histoire qui commence comme un roman d’entreprise et finit comme une série télé absurde: la société qui a popularisé l’aspirateur robotique, iRobot (vous savez, la famille Roomba qui se balade en rond chez toi) vient de déposer le bilan et d’être rachetée par… son principal fournisseur chinois. Oui, comme si ta machine à café décidait un jour de devenir italienne sans prévenir. 

Le génie geek qui devient héros domestique

À l’origine, trois chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology, temple des cerveaux barbus) ont fondé iRobot en 1990. Pendant des années ils ont fait des robots pour la NASA et l’armée (pas pour tondre la pelouse, mais pour de vrai), avant de sortir en 2002 un petit disque tout mignon nommé Roomba, qui aspire toute seule pendant que tu procrastines sereinement. 

Au début des années 2000, Roomba était à l’aspirateur robot ce que la DeLorean est à la voiture volante: un symbole de futur. Les ventes ont explosé et la marque est devenue presque générique (on dit “mon Roomba”, même si c’est pas un Roomba — quelle pression sociale!). 

La chute: concurrents affamés + tarifs punitifs

Mais voilà, l’histoire n’est pas un long fleuve tranquille. iRobot s’est fait rattraper par une meute de concurrents chinois (Ecovacs, Roborock, Dreame, et compagnie) qui vendaient des robots à prix doux et pleins de fonctionnalités. À cela se sont ajoutés des tarifs douaniers américains élevés sur les produits fabriqués en Asie, ce qui a grignoté les marges comme une poussière de croquettes sous le canapé. La croissance s’est transformée en déclin. 

À un moment, Amazon avait même proposé de racheter iRobot pour environ 1,7 milliard de dollars, mais l’opération a été stoppée net par les régulateurs en Europe et aux États-Unis, qui craignaient que ce mariage ne fasse du e-commerce un terrain de monopole. Le deal s’est envolé comme une chaussette au sèche-linge, laissant iRobot en plan avec une dette d’environ 190 millions de dollars. 

Entrée : Picea Robotics (et sortie en fanfare)

Résultat du dernier épisode: iRobot a demandé la protection du Chapitre 11 (faillite tout en essayant de se restructurer), et son principal fabricant chinois Picea Robotics va reprendre la société dans le cadre d’un plan supervisé par le tribunal. Autrement dit, le contrat s’est inversé: celui qui fabriquait les Roomba leur achète le logo. 

Les actionnaires iRobot? Ils peuvent toujours chercher leurs actions au fond du bocal à poissons : elles seront effacées. Les employés ? iRobot emploie environ 274 personnes aujourd’hui, mais sous la nouvelle direction chinoise, tout dépendra des décisions stratégiques à venir — pour l’instant, la société dit qu’elle maintiendra les opérations, service client, app et support comme avant. 

Quand les chiffres font des grimaces

iRobot a atteint son apogée en 2021 avec une valeur d’environ 3,56 milliards de dollars en bourse. Depuis, le cours de l’action s’est effondré — on parle d’une chute libre de plus de 70 % à l’annonce du dépôt de bilan. 

Les revenus 2024 ont été autour de 682 millions de dollars, mais les pressions concurrentielles et tarifaires ont grignoté les profits. Malgré tout, iRobot détenait encore des parts significatives du marché des robots aspirateurs aux États-Unis et au Japon. 

Le rachat par Picea implique essentiellement l’effacement de la dette (environ 190 M$ + 74 M$ supplémentaires que Picea détenait) en échange de 100 % de l’entreprise. Les créanciers et fournisseurs autres que Picea sont censés être payés. 

Si j’ai déjà un Roomba, ça change quoi pour moi?

Maintenant, l’aspect pratique, parce que ton Roomba ne veut pas savoir s’il est américain ou chinois: la bonne nouvelle est que ton robot n’a pas de jaloux: il continue à fonctionner normalement, avec le support, l’application et les mises à jour promises pour l’instant. iRobot affirme qu’il n’y aura pas de coupure de service soudaine. 

Cela dit, on touche ici à un sujet un peu plus geek qu’un filtre HEPA: certains observateurs signalent que les aspirateurs robots collectent des données de ta maison (plans, habitudes de nettoyage, connexions réseau), et s’ils sont sous contrôle d’une entreprise domiciliée en Chine, la confiance numérique devient un terrain glissant digne d’un roman d’espionnage. 

En langage moins corporate: si tes données de cartographie domestique te tiennent à cœur, tu peux envisager de désactiver la connexion Wi-Fi de ton Roomba ou demander la suppression des données stockées dans ses serveurs. Ça reste tout à fait possible même si le propriétaire juridique de la marque change.

Vie privée et données : quand ton aspirateur en sait (presque) plus que ton notaire

Un Roomba moderne n’est pas seulement un mangeur de poussière : c’est aussi un cartographe obsessionnel. Il scanne ton logement, mémorise les pièces, repère les obstacles, apprend tes horaires et envoie tout cela vers des serveurs distants pour optimiser ses trajets. Dit autrement : il connaît la taille de ton salon, l’existence du tapis moche et le fait que le couloir n’est jamais rangé.

Avec le passage sous contrôle d’un groupe chinois, la question n’est pas que ton plan d’appartement va finir affiché sur un mur à Pékin — restons sérieux — mais quel droit s’applique aux données, qui y accède, et sous quelles obligations légales. Les normes de protection des données en Chine, en Europe et aux États-Unis ne sont pas identiques, et cela crée une zone grise où la confiance repose davantage sur les promesses de l’entreprise que sur un cadre juridique homogène.

Concrètement, pour l’utilisateur, le risque principal n’est pas immédiat mais structurel : centralisation des données, évolution des politiques de confidentialité, et dépendance au cloud pour des fonctions pourtant domestiques. Les plus prudents peuvent limiter la casse en réduisant les fonctionnalités connectées, en supprimant régulièrement les cartes stockées ou en utilisant le robot en mode local. Le Roomba continuera alors à aspirer efficacement, mais avec moins de souvenirs numériques de ta vie privée. En somme, un peu moins de smart… et un peu plus de serenity.

Bourse et petits actionnaires : quand le Roomba aspire aussi le portefeuille

Côté marchés financiers, l’histoire a été nettement moins propre que ton salon après un passage du robot. L’action iRobot, autrefois coqueluche des investisseurs amateurs de techno domestique, a perdu l’essentiel de sa valeur avant la mise sous protection du Chapitre 11.

Pour les petits actionnaires, le verdict est brutal : dans ce type de restructuration, les actions existantes sont généralement anéanties, rayées du tableau comme des miettes sous le canapé. Autrement dit, posséder des actions iRobot à ce stade revient surtout à détenir un souvenir émotionnel, pas un actif financier.

Les grands gagnants ne sont donc ni les investisseurs particuliers ni les fonds tardifs, mais le repreneur industriel et certains créanciers, qui récupèrent une marque connue, une base installée mondiale et des brevets, pour une fraction de ce qu’elle valait quelques années plus tôt. Moralité boursière, servie sans sucre : même les robots intelligents ne garantissent pas des investissements intelligents, et un produit adoré du public peut cacher une entreprise en apnée financière.

En bref …

Résumons. iRobot, pionnier génial devenu icône ménagère, s’est fait rattraper par la gravité économique et a fini par être avalé par son propre fournisseur chinois. Le Roomba, lui, n’a rien demandé : il continue de foncer dans les plinthes, de confondre les câbles avec des serpents et de déclarer la cuisine « terminée » alors qu’il reste des miettes. Sur le plan pratique, rien ne change vraiment. La poussière disparaît, l’application fonctionne, et ton canapé reste hors d’atteinte.

Là où cela devient croustillant, c’est côté données. Ton aspirateur connaît désormais mieux ton logement que certains membres de ta famille, et son carnet de souvenirs numériques voyage plus loin qu’avant. Est-ce un drame ? Non. Est-ce un sujet à surveiller ? Clairement. Disons que ton Roomba n’est pas un agent secret, mais qu’il a désormais le potentiel narratif d’un excellent second rôle dans une série d’espionnage domestique.

Morale de l’histoire : si l’idée qu’un robot étranger sache que tu as un tapis, deux chambres et une fâcheuse tendance à laisser traîner des chaussettes te dérange, coupe le Wi-Fi. Sinon, laisse-le faire son travail et profite de l’ironie moderne : en 2025, même la poussière est mondialisée.

Bertrand

Bertrand

Explorateur d'Internet depuis 1995 et toujours à la recherche de la prochaine terre promise connectée. Mangeur de chocolat, fan de cuisine, de rando et de Kindle.