La Chine inaugure son premier data‑center sous‑marin : plongée stratégique dans le cloud bleu
La Chine s’est lancée dans un projet ambitieux de data‑centers immergés, fortement inspiré du projet Natick de Microsoft. La première capsule, d’environ 1 300 à 1 433 tonnes, est déjà en place au large de l’île de Hainan, à une profondeur d’environ 35 m.
Ce module immergé peut héberger 24 baies de serveurs, soit jusqu’à 400–500 machines selon les sources.
Capacité et ambition industrielle
D’après LeBigData, l’objectif est délirant : pas moins de 100 cabines sous-marines prévues d’ici 2025. Si le projet atteint ses objectifs, la puissance de calcul cumulée sera équivalente à celle de 6 millions d’ordinateurs. Chaque capsule est conçue pour durer 25 ans dans des conditions marines exigeantes.
Un modèle “vert” très calculé
Le refroidissement naturel par l’eau de mer permet d’économiser massivement sur les systèmes de climatisation classiques, consommant beaucoup d’énergie.
Selon LeBigData, ces centres sous-marins pourraient être 40 % à 60 % plus économes en énergie que les data‑centers terrestres équivalents. De plus, l’utilisation d’eau de mer pour refroidir évite d’avoir recours à l’eau douce, ressource souvent rare dans les zones déjà exploitées par les datacenters classiques.
Enjeux environnementaux et souveraineté numérique
Le projet suscite aussi des inquiétudes écologiques : LeBigData souligne que des structures massives comme celles-ci pourraient perturber les écosystèmes marins, notamment en modifiant la température de l’eau ou en introduisant des structures étrangères dans des fonds marins sensibles.
D’un point de vue stratégique, le développement de ces data‑centers immergés s’inscrit dans la volonté de la Chine de renforcer sa souveraineté numérique. En “occupant” les fonds marins avec des installations de cloud, elle crée une infrastructure numérique moins dépendante de ressources terrestres ou de tiers étrangers.
L’entreprise Highlander, par exemple, joue un rôle central dans ce projet : elle prévoit de construire et de commercialiser des modules immergés à grande échelle.
Limites et défis techniques
Malgré l’ingéniosité du concept, plusieurs défis restent à surmonter :
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Résistance à la corrosion et aux pressions marines sur des dizaines d’années.
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Maintenance : comment intervenir sur des structures sous 35 m de profondeur de façon fiable et rentable ?
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Impact à grande échelle : si le réseau de capsules se déploie massivement, quel sera le vrai coût écologique ?
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Coût du projet : selon LeBigData, le coût du programme initial est très élevé – l’investissement engagé est un pari long terme.
Roadmap
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Lancement de l’idée & planification (2021)
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En mai 2021, la Chine annonce le démarrage de la construction du premier data-center commercial sous‑marin au large de Hainan.
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Le plan prévoit 100 “cabines / modules de données” (“data cabinets”) répartis en trois phases pendant le 14ᵉ Plan quinquennal (2021–2025).
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Highlander (Beijing Highlander Digital Technology) est identifié comme l’un des acteurs principaux pour construire ces modules sous-marins.
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Première phase de construction et tests
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Début de la construction du premier module : Highlander commence avec un module d’expérimentation (quelques racks) pour valider le concept.
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Realisation d’une “étude initiale” de l’emplacement au large de Hainan (bathymétrie, stabilité des fonds marins …) selon les annonces initiales.
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Installation du module sur le fond marin (fin 2023)
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Le 31 décembre 2023, selon People’s Daily, le premier module de 1 300 tonnes est posé au fond de la mer, à environ 35 mètres de profondeur.
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Ce module est conçu comme une “capsule pressurisée” capable d’accueillir des centaines de serveurs.
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Phase de test / exploitation initiale
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Après l’immersion, la structure commence à fonctionner en tant que “cluster de calcul intelligent sous‑mer”, avec des serveurs activés.
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Ce centre immergé utilise l’eau de mer pour le refroidissement, ce qui réduit fortement la consommation d’énergie par rapport aux data‑centers terrestres.
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Selon China Daily, le module peut être déployé rapidement, dans un délai d’environ 90 jours depuis la fabrication + les tests en usine.
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Mise en service commerciale / croissance du cluster (février 2025)
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Le 18 février 2025, un nouveau module immergé de 18 mètres de long est déployé, contenant plus de 400 serveurs haute performance.
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Ce module agrandit le cluster sous-marin, qui est désormais présenté comme un “centre de calcul intelligent” opérationnel.
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Capacités annoncées : puissance équivalente à ~ 30 000 PC gaming haut de gamme, selon China Daily.
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Raccordement & alimentation
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Le data‑center sous‑marin est raccordé à des stations terrestres (onshore) qui gèrent la connexion et l’alimentation des données.
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L’alimentation électrique est prévue avec un fort caractère “vert” : intégration d’énergies renouvelables (notamment éolien offshore dans certains plans).
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Le cluster vise une efficacité énergétique très élevée : un PUE (Power Usage Effectiveness) annoncé de 1,1.
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Objectif à long terme : déploiement massif
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Le plan initial prévoit 100 modules / capsules sous-marines d’ici la fin du plan quinquennal (ou peu après), ce qui constituerait un réseau sous-marin très étendu.
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Ces capsules serviraient non seulement au stockage de données, mais aussi au “calcul intelligent” : IA, simulation, recherche marine, cloud décentralisé.
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Durabilité : chaque module est prévu pour fonctionner pendant 25 ans dans des conditions marines, selon certaines analyses d’experts.
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Défis et maintenance
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Le projet doit gérer la corrosion, la pression hydrostatique et l’entretien sous-marin : des solutions techniques spécifiques ont été développées pour garantir la fiabilité. (cité indirectement dans plusieurs sources).
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Les modules sont conçus de façon modulaire précisément pour faciliter les déploiements, la réparation ou le remplacement.
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Veille environnementale : l’impact thermique, la dissipation de la chaleur dans l’eau, et la perturbation des écosystèmes marins sont des sujets surveillés.
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En bref …
Avec ce projet de data‑centers sous-marins, la Chine combine ambition technologique, efficacité énergétique et stratégie géopolitique. C’est une vision futuriste du cloud : non plus sur des terres, mais au fond des océans. Mais entre innovation et écologie, l’équilibre est fragile — et les observateurs internationaux garderont un œil sur les impacts à long terme.
Crédit photo : CCTV13/YouTube/TerreTV
