“Smart‑glasses”, IA et vie privée : quand vos lunettes lisent votre vie — focus sur I‑XRAY

Imaginez : vous marchez dans la rue ou prenez le métro, lunettes de soleil sur le nez, l’air innocent. Mais ces lunettes (des Ray‑Ban “smart glasses” signées Meta) ne sont pas là que pour vous protéger du soleil. Grâce à un accrochage un peu glauque entre caméra, reconnaissance faciale, IA et bases de données publiques, elles peuvent transformer votre visage en… fiche d’identité complète.

C’est exactement ce que montrent les étudiants de Harvard derrière I‑XRAY : en quelques instants, une personne croisée peut être identifiée — nom, adresse, téléphone, liens familiaux — sans qu’elle le sache. Une démonstration choc, destinée à alerter sur les risques grandissants de la surveillance “à portée de regard”. 

Ce qu’est I‑XRAY et comment ça marche

  • I‑XRAY utilise des smart glasses Ray‑Ban Meta munies d’une caméra capable de filmer ce que voit le porteur. 

  • Le flux vidéo est livestreamé — dans le cas du projet, vers Instagram — puis analysé par un programme utilisant une IA pour détecter les visages. 

  • Une fois un visage détecté, le logiciel consulte des moteurs de recherche d’images inversées (comme PimEyes) et des bases de données publiques (annuaires, archives, données accessibles en open source) pour recouper informations, photos, historiques. 

  • Résultat : en quelques secondes, l’utilisateur peut obtenir sur son smartphone le nom complet de la personne, son adresse, téléphone, voire des détails personnels comme des liens familiaux ou des traces sur le web. 

Autrement dit : n’importe qui, avec le bon assemblage technologique et quelques lignes de code, peut très bien savoir qui vous êtes, d’où vous venez, et comment vous joindre… sans que vous le sachiez.

Pourquoi ce projet inquiète ?

I‑XRAY n’est pas un gadget futuriste : c’est une démonstration de ce que la technologie permet aujourd’hui.

  • Il brise l’anonymat : dans une foule, vous n’êtes plus “un visage quelconque”, vous pouvez devenir une base de données vivante en quelques millisecondes. 

  • Les données personnelles — nom, adresse, contacts — qui peuvent sembler “publiques” sont recoupées et rendues accessibles instantanément : l’effet combiné “IA + reconnaissance + open data” rend possible un accès immédiat à des informations sensibles. 

  • Risques concrets : harcèlement, doxing (divulgation publique de données privées), usurpation d’identité, surveillance de masse, stalking… Le potentiel pour les abus est énorme. 

  • Le problème de consentement : les personnes identifiées n’ont évidemment jamais accepté d’être scannées, ni d’être recherchées à partir de leur visage — ce qui pose un énorme souci de respect de la vie privée. 

Les étudiants derrière le projet l’admettent : ils ne comptent pas distribuer I‑XRAY au public. Leur objectif : alerter. Montrer que la technologie est là, que le danger existe, et que l’anonymat public, tel que nous le concevions, est peut-être en train de disparaître. 

Pourquoi c’est urgent d’en parler

Les auteurs d’I‑XRAY proposent des conseils pour se “désindexer” des bases de données consultées par le système : supprimer ses photos publiques, retirer ses profils de moteurs de recherche d’individus, limiter les traces numériques. 

Mais ces gestes restent limités — parce que certains éléments (archives publiques, données légales, traces anciennes) ne s’effacent pas facilement. Et surtout : si des individus avec des compétences techniques peuvent le faire, on imagine ce qu’en pourrait faire des entreprises, des gouvernements, des malveillanceurs…

C’est pourquoi ce cas doit être vu comme un signal d’alarme. Il illustre l’urgence d’un débat public — et d’une régulation — autour des technologies de reconnaissance faciale, des smart‑glasses, de la surveillance en ligne et de la protection des données personnelles.

En conclusion : l’élégance du verre contre l’éthique du regard

Avec I‑XRAY, ce ne sont pas des lunettes de soleil qu’on porte, mais une lentille sur le futur — un futur où le simple fait de regarder quelqu’un pourrait suffire à connaître son passé, son adresse, son cercle intime.

La technologie existe. Elle fonctionne. Elle inquiète. Et c’est à chacun de décider : voulons‑nous d’un monde où l’anonymat public est mort, ou devons‑nous redoubler de vigilance pour préserver ce qu’il nous reste de privé ?

Bertrand

Bertrand

Explorateur d'Internet depuis 1995 et toujours à la recherche de la prochaine terre promise connectée. Mangeur de chocolat, fan de cuisine, de rando et de Kindle.